Entreprise : peut-on enregistrer son employeur pendant une réunion ?

Collecter des preuves est devenu très simple : réseaux sociaux, messageries instantanées, e-mails, etc. Il est possible de conserver tous ses échanges professionnels. Ou presque. Qu’en est-il des échanges verbaux ? Par exemple, en cas de harcèlement moral, il peut s’avérer difficile de prouver sa situation si l’auteur veille à ne laisser aucune trace écrite. En cas de conflit avec son employeur, peut-on enregistrer une conversation, une réunion ou un entretien ? On fait le tour de la question.

L’enregistrement : un mode de preuve licite ou illicite ?

Si vous êtes en conflit ou en désaccord avec votre employeur, vous devrez peut-être rassembler des preuves pour démontrer votre point de vue, par exemple en cas de licenciement pour faute grave ou lourde. Avez-vous le droit d’utiliser un enregistrement de votre employeur comme preuve ?

Que dit la loi en matière d’enregistrement ?

L’article 9 du Code de procédure civile précise qu’il revient à chaque partie de prouver, de manière conforme à la loi, les faits nécessaires pour obtenir gain de cause. Il est crucial de respecter la loi et donc de ne recourir à aucun procédé déloyal, piège ou stratagème. Dans le cas contraire, les éléments produits ne pourront pas faire office de preuves.

Selon la jurisprudence, l’enregistrement d’une conversation privée est un procédé déloyal s’il est réalisé sans que l’auteur des propos le sache. Par conséquent, un enregistrement fait à l’insu de votre employeur n’est pas une preuve recevable. Cela s’applique d’ailleurs aussi bien aux enregistrements audio que vidéo.

Tout est question de consentement : la personne qui parle doit savoir que son message est enregistré. Si vous enregistrez une réunion et que les personnes y participant le savent, vous pouvez vous en servir comme preuve. Si la personne vous laisse un message vocal, vous pouvez également l’utiliser devant la justice.

Si vous souhaitez donc pouvoir citer les propos de votre employeur lors d’un entretien ou d’une réunion, il est donc conseillé de vous faire accompagner afin d’avoir un témoin. Vous pouvez également prendre des notes lors de l’entretien, conversation ou réunion et les retranscrire dans un compte-rendu.

Bon à savoir : s’il s’agit d’une réunion publique, elle peut être enregistrée.

Quelle est l’exception de l’infraction pénale ?

Lorsqu’il s’agit d’une infraction pénale, les règles changent quelque peu. En effet, l’article 427 du Code de procédure pénale indique que, sauf si la loi en dispose autrement, il est possible d’établir les infractions par tout mode de preuve. Ensuite, le juge décide, d’après son intime conviction, la valeur probante de votre enregistrement. Cela inclut donc les éléments produits de manière illicite ou déloyale.

Vous pouvez donc recourir à un enregistrement clandestin de votre employeur devant une juridiction pénale, mais pas devant le conseil de prud’hommes.

Notez toutefois que ce procédé reste imparfait et que s’il ne démontre pas avec certitude les agissements de l’employeur, votre plainte pourrait être classée sans suite et vous pourriez devoir lui verser des dommages-intérêts.

Comment évolue la jurisprudence en matière d’enregistrements dits illicites ?

Dans certains cas et sous certaines conditions, la jurisprudence a tendance à qualifier de recevables des preuves obtenues de manière illicite, telles que les enregistrements clandestins. La production d’éléments portant atteinte à la vie privée (de l’employeur ou d’un salarié) peut notamment être autorisée si elle est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve et si l’atteinte est proportionnée par rapport au but poursuivi.

En avril 2023, la Cour de cassation et la cour d’appel de Metz ont jugé comme recevable l’enregistrement d’un entretien préalable de licenciement qu’un salarié avait produit à l’insu de son employeur. En effet, elles ont considéré que l’enregistrement ne portait pas atteinte à la vie privée de l’employeur, car les propos étaient enregistrés dans le cadre de l’activité professionnelle.

La validité d’un enregistrement sans consentement peut donc varier selon les situations. Vous ne devriez donc pas faire reposer votre dossier uniquement sur des preuves audio illicites.

Il est possible que la loi se précise en matière de captation audio ou vidéo dans les années à venir.

Que risquez-vous si vous enregistrez votre employeur à son insu ?

L’article 226-1 du Code pénal stipule que si vous enregistrez ou transmettez des conversations prononcées de manière privée ou confidentielle sans demander l’autorisation de leur auteur, il s’agit d’une atteinte à la vie privée. Dans ce cas, vous encourrez un an d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 45 000 euros.

Et l’employeur, peut-il vous enregistrer ?

Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), votre employeur n’a pas le droit de vous enregistrer ni d’écouter vos conversations téléphoniques sans vous en informer. Tout employeur enregistrant ses employés à leur insu commet un délit et risque des sanctions pénales.