Droit d'auteur et contenus générés par les IA
Quels sont les droits d’auteur d’un internaute ayant utilisé l’IA pour créer une œuvre ? Si l’IA utilise des œuvres protégées, produit-elle des contrefaçons ? L’IA peut-elle être un auteur ? Le sujet de l’intelligence artificielle est relativement récent et les gouvernements sont encore en train de définir les règles qui s’appliquent.
Pourquoi l’IA pose-t-elle problème aux auteurs ?
Avec le développement des intelligences artificielles (IA) telles que ChatGPT et Midjourney, de nouvelles problématiques liées aux droits de propriété intellectuelle (tel que le droit d’auteur) se posent. En effet, pour produire des textes, images, musiques…, l’IA collecte des données existantes qui sont parfois protégées par des droits de propriété intellectuelle.
Par exemple, la banque d’image Getty Images a engagé des poursuites contre Stability AI qui aurait utilisé plus de 12 millions de photos de Getty Images pour entraîner son intelligence artificielle.
Les problèmes causés par les IA peuvent aller jusqu’à l’usurpation d’identité, notamment avec les deepfakes (enregistrements vidéo ou audio réalisés à l’aide de l’intelligence artificielle). Très récemment, les internautes ont découvert une chanson de Drake et The Weeknd appelée « Heart On My Sleeve ». Sauf que la musique avait été produite par un internaute grâce à l’IA.
Que dit la législation en matière de droit d’auteur ?
Droit français
Le droit d’auteur français permet de protéger une œuvre si elle est originale. Par « originale », on entend que l’œuvre révèle l’empreinte de la personnalité de l’auteur et résulte de choix libres et créatifs. En France, seule une personne physique, c’est-à-dire un humain, peut être auteur.
Ainsi, aucun logiciel ne peut être reconnu comme un auteur en France.
Par ailleurs, il est difficile de considérer l’utilisateur d’une IA comme un auteur puisqu’il suffit de saisir quelques mots-clés pour produire un contenu et que ce dernier ne sera pas empreint de la personnalité de son créateur. En revanche, si l’utilisateur retravaille par la suite le résultat produit pour le personnaliser, il pourra éventuellement en devenir l’auteur.
Les contenus produits à l’aide de l’IA n’étant pas des œuvres de l’esprit, ils seraient donc des créations libres de droits appartenant au domaine public.
Droit d’auteur et IA au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, les experts ne pensent pas que l’IA puisse à ce jour inventer quoi que ce soit sans l’aide d’un humain. Stuart Baran, un avocat de l’Office britannique des brevets a déclaré que si l’IA est considérée comme un inventeur, les chats de compagnie pourraient être les prochains. Ainsi, les humains peuvent breveter une création réalisée à l’aide de l’intelligence artificielle, mais elle ne peut pas être reconnue comme seul auteur.
Le Copyright Office aux États-Unis
Le Copyright Office, c’est-à-dire l’autorité américaine responsable de l’enregistrement des œuvres de propriété intellectuelle, a publié en mars dernier des lignes directrices sur le sujet. Le document précise les conditions à remplir pour enregistrer et protéger des créations composées d’éléments générés par l’IA. Ainsi, la protection des contenus ou des parties d’œuvres créés exclusivement par l’intelligence artificielle sera refusée. Il ne sera possible de protéger que les créations sur lesquelles un être humain est intervenu.
Toutefois, le Copyright Office souligne que la décision n’est pas toujours évidente et que chaque situation sera évaluée au cas par cas. La personne ayant créé une œuvre en utilisant des éléments d’origine humaine et non humaine devra expliquer son travail de sélection et d’assemblage et indiquer précisément les éléments générés à l’aide de l’IA si elle souhaite protéger son œuvre.
Quelles sont les dernières évolutions de la loi vis-à-vis de l’IA ?
Directive européenne 2019/790
La directive européenne 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique indique qu’il est possible de reproduire et extraire des œuvres à des fouilles de textes et données sauf si l’utilisation des œuvres a été réservée par les titulaires des droits en recourant à un système d’« opt-out ». Cependant, l’« opt-out » (opposition) n’est pas suffisamment appliqué et pas toujours respecté.
L’IA Act
Actuellement, le Parlement européen, la Commission et le Conseil sont en pleines négociations et cherchent à trouver un compromis concernant le règlement européen sur l’intelligence artificielle (ou IA Act). En effet, il est en l’état considéré comme trop restrictif et risque de gêner l’innovation dans l’Union européenne. Son adoption est prévue pour la fin de l’année 2023 ou le début de l’année 2024, mais l’IA Act ne serait applicable que dans les 18-24 mois suivant son entrée en vigueur.
Ce règlement prévoit, entre autres, d’imposer aux plateformes d’intelligence artificielle de détailler l’utilisation des données d’entraînement protégées par le droit d’auteur et de citer leurs sources. Par exemple, à l’heure actuelle, lorsque vous produisez un texte avec ChatGPT, vous ne connaissez pas les sources utilisées.
Comment éviter les utilisations abusives de l’IA ?
Comment bien utiliser l’IA ?
Il peut exister deux situations : vous créez votre propre intelligence artificielle ou vous utilisez une IA existante.
Si vous créez votre propre outil basé sur l’intelligence artificielle
Assurez-vous que les données (images, textes, etc.) que vous utilisez pour entraîner votre IA ne sont pas protégées par le droit d’auteur et que leur créateur ne s’est pas opposé à leur utilisation dans le cadre de fouilles (opt-out).
Si vous utilisez une IA existante
Lisez bien les conditions générales d’utilisation de la plateforme sur laquelle vous créez des contenus. Faites particulièrement attention aux dispositions concernant les droits de propriété intellectuelle sur les créations et sur la responsabilité du fournisseur d’IA. À titre d’exemple, les conditions d’utilisation d’OpenAI prévoient le transfert de tous les droits sur les textes et les images obtenus à l’utilisateur. En revanche, Craiyon ne prévoit pas de cession de droits à l’utilisateur, mais encadre l’utilisation du logiciel avec des licences spécifiques pour l’usage commercial des contenus générés.
Prenez aussi en compte le fait que certaines plateformes s’accordent le droit de réutiliser votre création pour nourrir l’algorithme.
En outre, si vous utilisez votre création à des fins marketing, par exemple, il est conseillé de faire des analyses de liberté d’exploitation et d’expliquer clairement à vos équipes comment utiliser et dans quels contextes utiliser les contenus générés à l’aide de l’IA.
Comment protéger votre contenu de l’IA ?
Pour le moment, il reste difficile de répondre à cette question puisque la législation est encore en pleine évolution. Il est probable que des labels émergent pour garantir la qualité des contenus, que les newsletters deviennent plus fréquentes (afin de réserver le contenu aux abonnés) et que de plus en plus de contenus travaillés deviennent payants.
Pour le moment, sur votre site, vous pouvez insérer une clause type dans les conditions générales d’utilisation. Le SNE (syndicat national de l’édition) en propose une version disponible en ligne.
Vous pouvez également utiliser l’outil TDM Reservation Protocol (TDMRep) d’EDRLab afin d’exercer votre droit d’« opt-out ».
Que faire si l’IA a utilisé l’une de vos œuvres ?
Pour prouver qu’il y a bien eu une violation des droits d’auteur lorsque votre œuvre a servi à alimenter une IA, vous devez démontrer que le résultat généré reproduit en tout ou partie les caractéristiques originales de votre œuvre. Cela peut s’avérer très difficile puisque les IA sont entraînées à partir d’une multitude d’œuvres (45 téraoctets de données pour ChatGPT).
Si le contenu généré ressemble à votre œuvre, les critères d’appréciation de la contrefaçon s’appliqueront. S’il s’agit réellement d’une œuvre dérivée, son exploitation ne pourra pas se faire sans votre autorisation préalable. Nouvelle difficulté liée à l’IA : contre qui devez-vous agir ? La plateforme ou la personne exploitant l’œuvre ? Les prochaines réglementations devraient apporter plus de réponses à ces questions dans les années à venir.
Rédactrice, traductrice, journaliste, j’aime jouer avec les mots pour informer, émouvoir et aider les lecteurs. Au cours de ma carrière, j’ai travaillé dans les secteurs des télécommunications, de la santé, du tourisme, de l’audiovisuel, du marketing et des démarches administratives. Peu importe le sujet, le plus important pour moi, c’est de produire un contenu utile et agréable qui va réellement servir aux gens et répondre à leur besoin.